IV. L’Ombre des étoiles

 

Maintenant, la lumière diaphane est au milieu du jardin d’humanité, mais elle ne s’en aperçoit pas. Invisible, enfermée sur elle-même, nul ne la voit, et elle ne voit rien, plus rien n’existe, pas même sa propre lumière. Quand certaines lumières la rencontrent, par hasard, ce sont leurs lumières qui rayonnent. Transparente, sans aucune luminance, l’astronome du bout de la terre, ému, regarde son ordinateur, se connecte à Internet et envoie le message suivant : ce soir, une étoile est morte.

Ce soir, une étoile est morte.

Au moment où le message arrive sur son écran, là-bas, en Chine, Lyang apprend qu’il est le père d’une petite fille.
Il pianote sur son clavier d’ordinateur à la recherche du nom de cette étoile.

Le prisme magistral souffle profondément et conduit la petite étoile morte à la frontière de l’univers, là où le cyclope atone sommeille.
Au premier rayon planétaire, la petite étoile tombe, absorbé par celui qui l’a fasciné.

Sur la terre, le petit garçon trop curieux écrit à l’astronome :

La petite étoile,
dont la destinée mouvementée
n’a cessé de m’émouvoir
depuis de longues années,
trouve aujourd’hui l’éternité.

Sur le bureau de l’astronome, un étrange rayon bleu vert balaie l’espace et dessine sur le mur la forme du prisme magistral. L’astronome recopie le schéma et l’envoie au jeune garçon.
En Chine, la petite fille communique l’information aux lumières d’en haut, une étoile est morte.
Toutes les lumières se mettent en berne, la terre vit une nuit sans pareil, pas d’éclipse, pas de cataclysme, une simple minute de silence des lumières.
Les fleurs se ferment, les oiseaux se cachent, le monde est en deuil.
Dans les liens qui unissent les lumières, une nouvelle ère naît.
Le prisme magistral les retient, comment expliquer : ce soir une étoile est morte, pour l’éternité.

Au fin fond de l’univers, le cyclope atone, reste muet. Il est celui sur lequel les plus horribles histoires circulent, celui que les lumières détestent, celui que rien ne peut sauver, il est le mal, les ténèbres, le néant. Il n’a pas peur, ne craint pas de disparaître. À plusieurs reprises, pendant un long moment, un spectacle différent de son quotidien lui a été présenté. Une jolie lumière le regardait inlassablement, quand, à certain moment, d’autres lumières se présentaient, c’est un ballet auquel il assistait. C’était plaisant.
La nuit des lumières a marqué une nouvelle étape dans l’histoire du ciel, il a vu la petite lumière glisser, tomber au creux de sa matière, il l’a bercé. Elle est née, de l’autre côté, là où les hommes, les lumières, les étoiles, le prisme et tout le système solaire dans sa totalité ne pourront jamais se rendre, hors des frontières de l’imaginaire. Ainsi est né l’amour.
Celui d’un absolu inaccessible et d’un absolu irrémédiable.
Dans le jardin d’humanité les couleurs se côtoient, les planètes poursuivent leur révolution et rétrogradation, elles reçoivent des hôtes nouveaux, des enfants naissent, des hommes meurent… Et les deux absolus unis restent l’idéal de l’amour, sur la terre, en lumière.