I. L’Ombre des étoiles

 

— Vous le reconnaissez ?
— Oui, mais il y a si longtemps.
— Cet endroit porte le même nom pour tous : le jardin des regrets et des remords.
— Allez-y je vous retrouve à la porte de mémoire.
Le nouveau pose un pied sur la mousse du jardin et s’avance doucement, sa vie défile en contre champ.
Il se baisse et regarde un coquelicot rouge à l’écran, pré-adolescent, il le cueille et le voit se faner quelques heures plus tard.
Dans le jardin, là il le regarde pendant un long long moment, puis comme s’il devait se passer quelque chose, le coquelicot lui « parle ».
— Tu sais, je voulais que d’autres voient ma beauté, ma vie a été plus courte, mais je me serai fané de toute façon et ta maman n’aurait pas eu ce beau sourire et ce gentil compliment me concernant.
L’homme se souvient, le jardin des Remords et Regrets. Il se lève, salue la fleur et se dirige vers l’écran sur lequel se projette son existence.
Il s’approche, il n’y a pas d’écran, c’est la porte de mémoire, il la traverse.
Son nouvel ami l’attend.
— Tu peux y retourner lorsque tu le souhaites, c’est ton jardin personnel, nul ne peut y entrer, moi j’y suis retourné fréquemment après ma mort, une façon de s’imaginer comment notre vie se serait déroulée avec d’autres choix que ceux que nous avons assumé, enfin si, si je n’avais pas existé…
Ta couleur te détermine, seuls les autres la voient, et toi tu vois celle des autres.
Ainsi, tu composes avec d’autres un bouquet de couleurs auquel tu appartiens, mais tu composes un bouquet de couleurs sans te considérer dans le bouquet, un présent que tu pourrais faire, une composition qui entre dans la création pour la création. Nous sommes réunis, car nos rayonnements s’harmonisent, se complètent…
Je vais vous faire découvrir le jardin d’humanité, c’est un peu le monde des Idées, dans le jardin toutes les âmes que la terre a accueillies se retrouvent ici, que vous soyez mort ou vivant, vous existez ici aussi pour les vivants et uniquement ici en ce qui concerne les morts, ce qui vous permet de communiquer, tout cela reste enfoui, canalisé dans le prisme de vous-même qui êtes toujours présent ici.
— Je n’ai pas l’impression de comprendre le fonctionnement de ce système…
— C’est simple, ici vous êtes lumière harmonique, tout ce que vous avez vu sur Terre, vous l’êtes potentiellement, par énergie.

Coquelicots (Marolles-sur-Seine, juillet 2013)
Coquelicots.
Île-de-France, Seine-et-Marne (77), Marolles-sur-Seine.